Il est possible que ce réaliste, qui fut si peu psychologue, n’ait pas senti ce qu’il y a de vérité profonde, d’humanité vivante dans les farces de Molière. […] Les historiens et les critiques nous ont appris à lui attribuer un caractère éminemment grave et philosophique, à y respecter une des formes les plus expressives de la civilisation générale, où sont contenues toutes les conceptions de la vie et de la destinée humaines, toutes les représentations de l’univers et de l’être, par lesquelles l’humanité s’est consolée ou désespérée à chaque siècle. […] Dès qu’un jeune homme, au sortir du collège, se fait imprimer, c’est pour donner une direction à l’humanité : on ne songe plus à l’amuser, et il y paraît. […] On peut regretter d’être obligé de recourir à de tels expédients pour faire goûter le beau naturel des anciens : mais tant qu’une société n’a pas des mœurs et un goût qui lui rendent aimable la grossièreté de l’humanité primitive, la pire infidélité, après tout, c’est de prendre, pour traduire les anciens, les mots qui en inspirent le dégoût et la dérision : mieux vaut ne pas donner tout Homère, que de rendre tout Homère ridicule.