Il démontre sous toutes les formes, et par une quantité de considérations prises dans le cœur humain, que la morale religieuse vient sans cesse au secours de la législation civile : Elle parle un langage que les lois ne connaissent point ; elle échauffe cette sensibilité qui doit devancer la raison même ; elle agit, et comme la lumière et comme la chaleur intérieure ; elle éclaire, elle anime, elle s’insinue partout ; et ce qu’on n’observe point assez, c’est qu’au milieu des sociétés cette morale est le lien imperceptible d’une multitude de parties qui semblent se tenir par leurs propres affinités, et qui se détacheraient successivement, si la chaîne qui les unit venait jamais à se rompre. […] L’auteur, encore tout ému de sa chute et de l’ingratitude de l’Assemblée, ne prévoyant pas que, dans les malheurs qui s’apprêtent à fondre sur toutes les têtes, cette retraite prématurée deviendra pour lui un salut et un bienfait, l’auteur se laisse aller à toutes ses pensées ; il nous livre son âme au vif, toute saignante et gémissante ; il la montre dans sa sensibilité, dans ses étonnements, dans ses douleurs de tout genre, dans ses passions naturelles, honnêtes, droites, humaines et un peu débonnaires. […] Le premier mouvement de son âme humaine fut pour réclamer la cessation des violences, le pardon et l’amnistie de ceux qu’on poursuivait et qu’on assassinait déjà comme ennemis de la nation. […] Ses cris de douleur et d’étonnement sur l’iniquité et l’ingratitude humaines seront bientôt proportionnés à ses premières expressions de délices et de reconnaissance. […] Et c’est ici qu’il se trahit à ravir dans toute l’indécision naturelle de sa pensée : il propose à la fois deux plans parallèles, l’un de parfaite république, l’autre de monarchie exemplaire ; il construit tour à tour ces deux plans avec une grande habileté d’analyse, il les balance, et, les ayant pondérés de tout point, il dit à l’homme proclamé par lui nécessaire : « Prenez l’un de mes projets, ou prenez l’autre. » Puis, si on ne les prend pas, il se console par la vue de son propre idéal, et, comme tous les théoriciens satisfaits, il en appelle à l’avenir et au bon sens qui, tôt ou tard, selon lui42, est le « maître de la vie humaine ».