Michaud, c’étaient des opinions de proscrit et d’honnête homme, des opinions humaines et non de système. […] Ces gendarmes furent plus humains que le conventionnel et n’obéirent pas à ce surcroît de rigueur. […] Le poème de La Pitié de Delille, qui venait de paraître, occupait et passionnait tous les esprits ; il traduisait en vers faciles les sentiments de cette société restaurée, rassurée et redevenue humaine à loisir ; il lui donnait satisfaction dans ses ressouvenirs royalistes et bourboniens, et dissimulait quelque retour d’espérance sous ce qui ne semblait qu’un culte de deuil pieux et de regrets. […] Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi […] Insistant sur les ressorts inexpliqués du cœur humain, sur ces mobiles d’amour-propre et d’honneur ou même de vanité, que l’orgueil de la raison s’attacha à détruire, mais que les hommes d’État savent créer et faire mouvoir, il les montrait en action sous Louis XIV, et regrettait que le temps fût passé où le grand roi, pour récompenser les services d’un maréchal de Villars, n’avait qu’à lui permettre simplement de paraître à son lever demi-heure avant les autres.