Oui, à la condition que nous y prenions notre bien propre, la vérité du cœur humain, oh il peut y avoir des découvreurs et des premiers occupants de toutes les nations. […] Or, une fois qu’on fait des conditions au vrai, qu’on le veut d’une certains façon et non d’une autre, c’en est fait, on appartient au faux, et ce qu’on garde d’estime au vrai n’est que du respect humain. […] Est-ce Massillon ou Marivaux qui a dit des mobiles de la gloire humaine, « que ce sont souvent les plus vils ressorts qui nous font marcher vers la gloire, et que presque toujours les voies qui nous y ont conduits nous en dégradent elles-mêmes ? » Si Lamotte s’était plus mêlé de moraliser, je croirais le reconnaître dans cette image de vertus humaines, qui, « nées le plus souvent dans l’orgueil et dans l’amour de la gloire, y trouvent un moment après leur tombeau », ou qui, « formées par les regards publics, vont s’éteindre le lendemain, comme ces feux passagers, dans le secret et les ténèbres19. » Suis-je même bien sûr de ne pas faire tort à Lamotte, en le supposant capable de ces figures ? […] De là cette fortune des phrases contournées, de la précision louche, « de ces riens pesés dans des balances de toile d’araignée20 » ; de là le scandale des réimpressions de Trublet, qui indignaient un critique profond, Grimm, pensant, quarante ans après, au mal qu’aurait pu faire à l’esprit français, qu’il aimait comme le bien du genre humain, le retour du précieux qui se relevait des railleries du dix-septième siècle et reprenait l’offensive21.