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1832. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

C’est son habitude, sa physionomie ; c’est sous cette forme que l’esprit humain se manifestera par la langue française. […] J’ajoute qu’il est d’un grand intérêt de voir pour la première fois l’ambition non moins naïve que pédantesque de la prose française, quelquefois trébuchant, quelquefois marchant d’un pas hardi et sûr dans cette première tentative d’exprimer des idées générales, et de faire parler l’esprit français comme l’esprit humain. […] Un progrès de plus de la langue, et on s’imaginerait lire Bossuet montrant le doigt de Dieu dans les chutes des empires et la disparition des peuples, et épouvantant la sagesse humaine de la fragilité de ses établissements. […] Indiquer les causes des événements et les motifs des actions entre ces causes distinguer les véritables de celles qui n’ont été qu’apparentes ; entre ces motifs, discerner ceux qui ont déterminé les actions de ceux qui n’ont servi que de prétextes ; descendre dans le fond de l’homme et découvrir la pensée secrète sous le rôle enfin, par une réserve admirable, quand les événements ont été trop grands ou trop soudains pour que l’historien les puisse expliquer par des raisons humaines, y voir des effets de la sagesse et de la justice de Dieu voilà, ce semble une première ébauche de l’histoire assez belle si ce n’est pas encore l’histoire elle-même, c’est seulement parce qu’il y manque une dernière et suprême convenance, une langue mûre pour les choses de l’art.

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