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720. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Bonaparte consul continua sa bienveillance à Ducis, et c’est ici que le poète se dérobe aux récompenses et aux honneurs dans des termes qui ont été justement célébrés. […] Quant à moi, j’ai bien pris mon parti ; ma résolution est inébranlable : si on me fait l’honneur de songer à moi, ma lettre de remerciement est déjà prête ; je n’aurai plus qu’à la signer. […] A cela je réponds que Celui qui nourrit les oiseaux saura bien aussi venir à mon aide. » Il refuse tout désormais, il échappe à tous les honneurs qui voudraient lui pleuvoir sur la tête ; il ne veut pas plus du prix décennal que de tout le reste, bien décidé, dit-il, à n’être rien, à ne recevoir rien, à ne s’embarrasser de rien, que d’achever paisiblement sa carrière « dans la douce indépendance de son âme et dans le plaisir de commercer jusqu’à la fin avec les chastes Muses. » Un tel sentiment pleinement embrassé et franchement pratiqué est certes des plus beaux ; mais qu’on n’aille pas dire avec M. de Sèze, son successeur à l’Académie, que Ducis par ses refus réitérés s’exposait « à des périls de tout genre. » M. de Sèze qui s’y connaissait pourtant, en fait de périls, exagère ici fort gratuitement et par esprit de parti. […] Avec Ducis, l’enfant des montagnes, tout a changé : nous sommes dans un air pur, nous avons monté bien des degrés en honneur et en dignité morale comme en poésie.

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