En ces proverbes, naïfs ou sublimes, brillants ou profonds, moqueurs ou tendres, ils reconnaissaient une pensée, parente de la leur mais moins heureuse, car elle était entrée sans signature dans la mémoire des hommes, et en y restant elle n’y laissait aucun nom ! […] c’est là un nom usurpé en tout temps, si ce n’est pas une ironie, mais ce l’est particulièrement quand les nations sont dans l’enfance, dans cet âge où pour l’homme lui-même, et le plus exceptionnel des hommes, hormis le petit Joas d’Athalie, la sagesse n’existe pas. […] Je sais bien que Quitard a, pour couvrir et protéger son opinion sur l’origine des proverbes, celle d’un homme dont l’esprit serait un charme encore quand il ne serait plus une puissance. […] Il ne serait plus enfin cet aristocrate en toutes choses, qui voulait être comte, malgré sa naissance, dans un temps où un tel titre n’allait bientôt plus rapporter que les privilèges de la prison et de l’échafaud, et on serait terriblement en droit d’accuser de pitoyable inconséquence l’homme qui, croyant au bon sens des siècles, accorda si peu au bon sens du sien. Heureusement pour Rivarol, le mot que cite Quitard ne prouve qu’une chose, assez triste du reste : c’est que le talent le plus héroïquement et le plus fièrement spirituel put se laisser enfiler par une idée vulgaire, comme un grand homme par un goujat ; mais il ne détruit nullement cette certitude : que ce qu’on appelle le bon sens des peuples et des siècles, c’est l’intelligence des grands hommes — ignorés ou connus — qui ont fait tradition et rencontré leur écho.