/ 1834
331. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Quoique dans l’introduction qui précède son livre il nous dise, vers la fin : « La conspiration que j’ai rapportée est une conspiration vraie, aussi vraie que la conspiration du général Malet », ce qui est peut-être trop vite dit et pas assez prouvé, et, quoique l’imagination, beaucoup plus intéressée à ce roman d’une conspiration qu’elle ne le serait à une histoire, veuille bien accepter, sans le chicaner, ce qu’affirme si brièvement l’auteur, cependant il reste toujours, non pas uniquement l’embarras de savoir où le personnage historique finit et où le personnage inventé commence, mais il reste encore — et c’est autrement important — que tous les personnages de l’action sont tous vus de par dehors, comme les personnages d’une histoire, au lieu d’être vus de par dehors et de par dedans tout ensemble, comme doivent être vus tous les personnages d’un roman, dont l’auteur peut approfondir à son gré ou idéaliser les caractères, puisqu’il les a lui-même inventés ! […] Bourgeois, le maire de Poitiers, — ni les deux autres espions, Degranges et Méhu, — ni les personnages historiques, qu’il fallait d’autant plus intensément peindre qu’on ne les nommait pas et que leur visage devait crever le masque d’incognito que l’auteur leur attache, — ni le jeune frère de Rochereuil, — ni sa mère, — ni la femme aimée de Rochereuil, profonde comme une grisette, fusain à peine indiqué de fille facile, — rien de tout ce monde ne sort, ne se détache, mais tout reste blafard, exsangue, indécis et inanimé, sous la plume la plus mâle, la plus appuyée, la plus énergique et la plus amoureuse d’énergie.

/ 1834