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521. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Du temps de La Bruyère, l’esprit y conservait une grande part ; car, comme dit encore Saint-Simon de Santeul, « M. le Prince l’avoit presque toujours à Chantilly quand il y alloit ; M. le Duc le mettoit de toutes ses parties, c’étoit de toute la maison de Condé à qui l’aimoit le mieux, et des assauts continuels avec lui de pièces d’esprit en prose et en vers, et de toutes sortes d’amusements, de badinages et de plaisanteries. » La Bruyère dut tirer un fruit inappréciable, comme observateur, d’être initié de près à cette famille si remarquable alors par ce mélange d’heureux dons, d’urbanité brillante, de férocité et de débauche141. […] Les Caractères ont singulièrement gagné aux additions ; mais on voit mieux quel fut le dessein naturel, l’origine simple du livre et, si j’ose dire, son accident heureux, dans cette première et plus courte forme143. […] » Loué, attaqué, recherché, il se trouva seulement peut-être un peu moins heureux après qu’avant son succès, et regretta sans doute à certains jours d’avoir livré au public une si grande part de son secret. […] Si heureux d’emblée qu’eût été La Bruyère, il lui fallut, on le voit, soutenir sa lutte à son tour comme Corneille, comme Molière en leur temps, comme tous les vrais grands. […] L’heureux et sage La Bruyère n’était point tel en son temps ; il traduisait à son loisir Théophraste et produisait chaque pensée essentielle à son heure.

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