Si Ronsard sort d’une lecture ainsi forcée avec une poésie un peu haute en idée, mais inégale et indigeste, et la tête montée comme on dit, on n’en sera pas surpris. […] Voici de beaux vers, non pas tout à fait dans ce ton, mais d’un haut accent, que je viens d’avoir le plaisir de retrouver en refeuilletant une de ces épîtres peu avenantes au premier coup d’œil. Ronsard y raconte à l’un de ses amis, Pierre Lescot, l’un des architectes du Louvre, comment dès son enfance il résistait à son père qui lui disait de renoncer à la poésie, et comment déjà le démon du rêve et de la fantaisie le transportait ; je crois bien qu’en la mettant à l’âge de douze ans, alter ab undecimo…, il antidate un peu sa jeune manie, pour la mieux peindre ; mais il exprime cela en jeune homme qui n’a pas cessé d’en être possédé au moment où il en parlef : Je n’avois pas douze ans, qu’au profond des vallées, Dans les hautes forêts des hommes reculées, Dans les antres secrets, de frayeur tout couverts, Sans avoir soin de rien je composois des vers. […] Il y a des tons qui crient et que ne suffisent pas à racheter d’agréables vers, tels que ceux-ci : Quant à moi, j’aime mieux ne manger que du pain Et boire d’un ruisseau puisé dedans la main, Sauter ou m’endormir sur la belle verdure, Ou composer des vers près d’une eau qui murmure… Mais, quelques vers plus haut, il était question d’un crocheteur qui, rien qu’à l’entendre nommer, me gâte cette vue champêtre.