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1166. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Que l’événement soit une chute d’un trône dans le cachot, ou qu’il soit une pensée de jeune fille, éclose sur son oreiller à l’heure de son réveil, dans la solitude d’une chambre haute à la campagne, et se résumant en un soupir ou en une prière ruisselante de pleurs au pied de son lit, peu importe : l’émotion est la même dans le cœur qui l’éprouve et dans le cœur de celui qui s’associe par la lecture à la force de ce sentiment. […] En continuant de monter l’escalier sombre et à spirale du Cayla, on rencontrait çà et là de petits paliers de quelques marches détachées du grand escalier, qui formaient un angle rentrant sous une porte en rosace, donnant entrée à quelques séries de petits appartements, et enfin, très haut, aux chambres des domestiques. […] Mais cette éducation, dont le père remettait avec confiance les rênes dans les mains de sa fille, finit par produire dans mademoiselle de Guérin une puissance de réflexion et de pureté qui l’égala à son insu aux plus hautes personnalités littéraires de son siècle. […] On conçoit combien d’amertume devait faire bouillonner dans cette âme le souvenir de cette première condition et le contraste avec cet humble métier de répétiteur de collège dont le salaire était à peine une chambre haute dans un quartier de Paris, et un morceau de pain trempé de fiel. […] « Mais c’est l’Ascension aujourd’hui ; laissons la terre et le ciel de la terre, montons plus haut que notre demeure, et suivons Jésus-Christ où il est entré.

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