Et ainsi il nous oblige à songer que ce nom patronymique d’Eyquem, de toute antiquité porté par sa race, il a été le premier à le quitter : que son père avait sans doute fait les guerres d’Italie, puisqu’il le dit, mais plus sûrement encore avait siégé à la cour des aides de Périgueux ; que cette terre de Montaigne, dont il se nomme, cette fortune, dont il jouit, avaient été gagnées par des générations de bons bourgeois, siégeant derrière leur comptoir, et qu’enfin le grand-père Eyquem avait bien pu vendre du hareng, comme disait Scaliger, parmi tant de marchandises dont il chargeait des vaisseaux. […] Son scepticisme, c’est le secret de vivre à l’aise au milieu des guerres civiles, et le secret d’éteindre les guerres civiles, qui empêchent de vivre à l’aise. […] Enfin le xviie siècle consacrera les idées de Montaigne sur la langue et sur le style : il propose à la littérature de prendre la forme des pensées, tantôt dans le langage des Halles, tantôt dans le jargon de nos chasses et de notre guerre : c’est-à-dire qu’il veut une langue populaire, naturelle, et qu’il fait l’usage souverain.