Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et, pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. […] Il vaudrait mieux ne songer qu’à la guerre, à vaincre les ennemis, et penser qu’en le faisant, on suit la volonté de Dieu. […] Les grandes guerres et les événements inouïs qui ont rempli la fin du dernier siècle et les quinze premières années du nôtre, nous ont trop fait oublier ce qu’avaient de terrible et d’inouï aussi à leur moment les douze premières années du xviiie siècle. La guerre de la Succession d’Espagne, que commença l’ambition du côté de la France et que l’ambition continua du côté opposé, était ce qui avait paru jusqu’alors, et depuis bien des siècles, de plus extraordinaire et de plus vaste au point de vue soit militaire, soit historique. Un grand esprit contemporain et acteur dans ces scènes mémorables, Bolingbroke, l’a dit : « Les batailles, les sièges, les révolutions surprenantes qui arrivèrent dans le cours de cette guerre sont d’un genre à ne point trouver leurs semblables dans aucune période de la même étendue. » C’est ainsi que les générations se croient privilégiées par la grandeur des événements et des catastrophes dont elles sont témoins et victimes, jusqu’à ce que d’autres générations surviennent qui leur ravissent l’orgueil de cette illusion.