L’Espagnol catholique et exalté se représente la vie à la façon des croisés, des amoureux et des chevaliers, et, abandonnant le travail, la liberté et la science, se jette, à la suite de son inquisition et de son roi, dans la guerre fanatique, dans l’oisiveté romanesque, dans l’obéissance superstitieuse et passionnée, dans l’ignorance volontaire et irrémédiable1325. […] Mais en même temps ils se cultivent et se réforment ; leur richesse et leur bien-être s’accroissent énormément ; la littérature et l’opinion chez eux deviennent sévères jusqu’à l’intolérance, et leur longue guerre contre la Révolution française pousse à l’excès le rigorisme de leur morale, en même temps que l’invention des machines développe jusqu’au centuple leur confortable et leur prospérité. […] Aujourd’hui que les grandes violences historiques, j’entends les destructions et les asservissements de peuples, sont devenus presque impraticables, chaque nation peut développer sa vie suivant sa conception de la vie ; les hasards d’une guerre ou d’une invention n’ont de prise que sur les détails ; seules, maintenant, les inclinations et les aptitudes nationales dessinent les grands traits de l’histoire nationale ; lorsque vingt-cinq millions d’hommes conçoivent d’une certaine façon le bien et l’utile, c’est cette sorte de bien et d’utile qu’ils recherchent et finissent par atteindre.