Il se plaît à ce jeu, il se met à rédiger chaque pensée avec soin, et tout aussitôt avec talent : une sorte de grandeur de vue se mêle insensiblement sous sa plume à ce qui ne semblait d’abord que l’amusement de quelques après-dînées. […] Le mouvement de l’amour-propre nous est si naturel, que le plus souvent nous ne le sentons pas, et que nous croyons agir par d’autres principes. » La Rochefoucauld, de même, a dit avec plus de grandeur : « L’orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par sa fierté ; de sorte qu’à proprement parler, la fierté est l’éclat et la déclaration de l’orgueil. » Un des hommes qui ont le mieux connu les hommes et qui ont su le mieux démêler leur fibre secrète pour les gouverner, Napoléon, a fait un jour de La Rochefoucauld un vif et effrayant commentaire. […] La Rochefoucauld échappe à cette loi presque inévitable, et, dans ces matières délicates et subtiles, lui qui n’avait pas lu les anciens et qui les ignorait, n’obéissant qu’aux lumières directes de son esprit et à l’excellence de son goût, il a, aux endroits où il est bon, retrouvé, soit dans l’expression, soit dans l’idée même, une sorte de grandeur.