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1634. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Car l’intrigue en peut être obscure ou ennuyeuse : mais ces trois entités, Philippe II, le Grand Inquisiteur et le marquis de Posa, — la Royauté, l’Église et la Révolution, — y ont une indéniable grandeur. […] Mais naturellement on n’a pu nous rendre ni la grandeur du spectacle, ni la musique, ni les évolutions du chœur, ni la magnificence des costumes, ni l’entrée d’Atossa sur un char, ni le ciel d’Athènes, ni la mer toute proche (la mer de Salamine), ni le verbe splendide et retentissant de cet Eschyle, qui fut probablement, avec Shakspeare et Hugo, le plus grand inventeur d’images qu’on ait vu dans les littératures indo-européennes. […] Ces paroles, d’un sens profond et souvent d’un tour singulier, plus mystérieuses encore d’avoir passé d’un dialecte syriaque dans un grec et dans un latin barbares avant de nous être traduites dans la langue de nos mères, ont pris un caractère de grandeur et de sainteté à quoi rien ne ressemble. […] Un fond de brute violente et barbare, aux appétits tout neufs ; par là-dessus, un commencement de culture latine, encore prétentieux et gauche, mais affinant déjà cette brutalité et la tournant en corruption ; le christianisme à travers cela, aggravant de superstition et de terreur cette méchanceté et cette luxure ; et, parmi le tout, des souplesses, une grâce et sans doute des faiblesses nerveuses de femme, quelque grandeur d’ambition, quelque beauté d’orgueil et quelque intelligence politique… il y avait là de quoi façonner, semble-t-il, une Catherine mérovingienne d’assez haut relief. […] Et la plainte des trois sœurs monte et se prolonge en couplets alternés, d’un style qu’on voudrait ici plus fort et moins inégal au dessein d’une scène qui n’est pas sans grandeur.

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