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1068. (1898) Essai sur Goethe

Il saluait en lui « la plus haute apparition qui fût possible dans l’histoire ». « Quand on entend décrire avec naïveté cet empereur et son entourage, écrivait-il à son ami Knebel, on voit bien qu’il n’y a jamais rien eu et qu’il n’y aura peut-être jamais rien de pareil3. » Les grands hommes sont faits pour s’entendre : Napoléon l’avait loué ; il lui rendait son éloge, sans songer au prix que cette grandeur coûtait à son pays. […] Que Goethe ait eu la sensation de cet isolement qui entourait sa grandeur incontestée, on n’en saurait douter. […] III Qu’il y ait une certaine grandeur dans le spectacle à vol d’oiseau d’une existence ainsi évoquée, nous ne songeons point à le nier ; nous reconnaîtrons volontiers que cette espèce de détachement avec lequel Goethe se contemple lui-même, que son indépendance à planer sur ses propres sommets constituent la plus attirante originalité de son livre. […] Malgré leurs réticences, malgré la part qu’ils font à la fiction qu’ils revêtent, pour la justifier, du nom de poésie ; malgré les voiles que tisse autour de la réalité, tantôt le souvenir, fécond en mirages, tantôt le parti pris, habile en arguments, ils nous livrent tout l’homme, dans sa grandeur, avec ses faiblesses. […] Il se plaignit ; Goethe s’excusa ; et il pardonna : dans la réalité comme dans le roman, toute sa grandeur est d’avoir assez compris le romantisme dont il était entouré, pour lui pardonner toujours.

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