Ces objections et beaucoup d’autres que tout esprit sensé pouvait faire, n’empêchaient pas le succès dû à la nouveauté, à l’enchantement et à la grâce. […] Ce qui distingue à jamais cette pastorale gracieuse, c’est qu’elle est vraie, d’une réalité humaine et sensible : aux grâces et aux jeux de l’enfance ne succède point une adolescence idéale et fabuleuse. […] Je dis cela de Paul et Virginie plutôt que de La Chaumière indienne qui, malgré sa grâce et sa fraîcheur, me paraît seulement offrir sous forme exquise les banalités de la morale de 91. […] De cette étude bien imparfaite, mais qui repose sur plus de lectures et de comparaisons que je n’ai pu en apporter ici, il me semble résulter que Bernardin de Saint-Pierre, dans sa vie, n’a été qu’à demi un sage, et que, dans ses écrits, il a presque aussi souvent erré que rencontré avec bonheur : mais, une fois, il a eu une inspiration simple et complète, il y a obéi avec docilité et l’a mise tout entière au jour comme sous le rayon ; il a mérité par là que son souvenir reste à jamais distinct et toujours renouvelé dans la mémoire humaine, et qu’autour de ce chef-d’œuvre de Paul et Virginie, la curiosité littéraire rassemble, sans en rien perdre, les grâces éparses de l’écrivain.