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1259. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Admirez les crescendo et les roulades par lesquelles elle termine ses morceaux brillants ; pour enlever l’auditeur à la fin du portrait de la nonne innocente, elle ira chercher « la Grâce qui fait luire autour d’elle ses plus purs rayons, les anges qui de leurs chuchotements éveillent ses rêves dorés, les ailes des séraphins qui répandent sur elle leurs divins parfums, l’époux qui prépare l’anneau nuptial, les blanches vierges qui chantent l’hyménée1109 », bref toute la garde-robe du Paradis. Remarquez les coups de grosse caisse, j’entends les grands moyens ; on appelle ainsi tout ce que dit un personnage qui veut délirer et ne délire pas ; par exemple, parler aux rocs et aux murailles, prier Abeilard absent de venir, s’imaginer qu’il est présent, apostropher la Grâce, la Vertu, « la fraîche Espérance, riante fille du ciel, et la Foi, notre immortalité anticipée1110 », entendre les morts qui lui parlent, dire aux anges de « préparer leurs bosquets de roses, leurs palmes célestes et leurs fleurs qui ne se flétrissent pas1111. » C’est ici la symphonie finale avec modulation de l’orgue céleste : je suppose qu’en l’écoutant Abeilard a crié bravo. […] Pope à écrit la Boucle de cheveux enlevée et la Sottisiade ; ses contemporains s’extasièrent sur la grâce de son badinage comme sur la justesse de sa moquerie, et jugèrent qu’il avait surpassé le Lutrin et les Satires de Boileau. […] Est-ce qu’il n’y a pas des grâces charmantes dans le babil et la frivolité d’une jolie femme ?

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