Parcourez tous les états d’Italie ; est-ce à Venise, dont l’aristocratie sévère est fondée sur la crainte ; où la politique inquiète et soupçonneuse marche quelquefois dans la nuit entre des inquisiteurs d’état et des bourreaux ; où tout est couvert d’un voile ; où le gouvernement est muet comme l’obéissance ; où la barrière qui sépare la noblesse et le peuple défend aux talents de s’élever ; où le plaisir même est un instrument de politique ; où, par système, on a substitué à la liberté qui élève les âmes, la licence qui les amollit ; Venise, où tout ce qui serait grand serait suspect ; où enfin le caractère de tous les principes de gouvernement est d’être immobile et calme, et où, depuis des siècles, tout tend à la conservation et à la paix, rien à l’agrandissement et à la gloire ? […] Chez un peuple qui n’est pas libre, ou ne l’est qu’à moitié, jamais le génie de l’éloquence n’a paru qu’avec l’éclat du gouvernement ; et les grands orateurs y marchent à la suite des généraux, des ministres et des grands hommes d’état.