En cette même année 1790, M. de Meilhan publia un petit roman ou conte philosophique dans le goût de Zadig, et intitulé Les Deux Cousins, histoire véritable ; il l’avait composé en quelques jours à la campagne, après une conversation. […] On a de lui des lettres où il célèbre l’âme et le génie de Catherine ; mais ici se trahit un grave défaut de M. de Meilhan, et qui était déjà sensible dans quelques passages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs ; cet homme d’esprit et de conception, qui n’a pas seulement de la finesse, qui y joint des vues et de la portée, n’a pas le goût très sûr : il le prouva bien lorsque étant parti de Rome pour aller en Russie, l’idée lui vint un jour de comparer l’église de Saint-Pierre et Catherine II. […] Il y avait tout à côté des réparations cependant et des hommages : « Celui, disait-il, qui a été aimé d’une femme sensible, douce, spirituelle et douée de sens actifs, a goûté ce que la vie peut offrir de plus délicieux. » Il avait dit encore (car M. de Meilhan n’oublie jamais ce qui est des sens) : « Un quart d’heure d’un commerce intime entre deux personnes d’un sexe différent, et qui ont, je ne dis pas de l’amour, mais du goût l’une pour l’autre, établit une confiance, un abandon, un tendre intérêt que la plus vive amitié ne fait pas éprouver après dix ans de durée. » Tout cela aurait dû lui faire trouver grâce, d’autant plus qu’il flattait les hommes moins encore que les femmes : « La femme, remarquait-il, est bien moins personnelle que l’homme, elle parle moins d’elle que de son amant : l’homme parle plus de lui que de son amour, et plus de son amour que de sa maîtresse. » — (Dans l’édition de 1789, l’auteur, en corrigeant, a supprimé çà et là quelques jolis traits.) […] Ces Mémoires de Richelieu, qu’on annonçait en 9 volumes, n’auraient certes pas ressemblé à la publication indigeste et sans goût que Soulavie a donnée sous le même titre et avec la même étendue.