Ce ne fut qu’après Richelieu, après la Fronde, sous la reine-mère et Mazarin, que tout d’un coup, du milieu des fêtes de Saint-Mandé et de Vaux, des salons de l’hôtel de Rambouille1 ou des antichambres du jeune roi, sortirent, comme par miracle, trois esprits excellents, trois génies diversement doués, mais tous les trois d’un goût naïf et pur, d’une parfaite simplicité, d’une abondance heureuse, nourris des grâces et des délicatesses indigènes, et destinés à ouvrir un âge brillant de gloire où nul ne les a surpassés. […] A l’époque dont nous parlons, loin d’être un obstacle à suivre le mouvement littéraire, religieux ou politique, ce genre de vie était le plus propre à l’observer ; il suffisait de regarder quelquefois du coin de l’œil et sans bouger de sa chaise, et puis l’on pouvait, le reste du temps, vaquer à ses goûts et à ses amis. […] Seulement il est besoin de s’entendre : elle ne rêvait pas sous ses longues avenues épaisses et sombres, dans le goût de Delphine ou comme l’amante d’Oswald ; cette rêverie-là n’était pas inventée encore9 ; il a fallu 93, pour que Mme de Staël écrivît son admirable livre de l’Influence des Passions sur le Bonheur. […] Mademoiselle de Montpensier, du même âge que Mme de Sévigné, mais qui s’était un peu moins assouplie qu’elle, écrivant en 1660 à Mme de Motteville sur un idéal de vie retirée qu’elle se compose, y désire des héros et des héroïnes de diverses manières : « Aussi nous faut-il, dit-elle, de toutes sortes de personnes pour pouvoir parler de toutes sortes de choses dans la conversation, qui, à votre goût et au mien, est le plus grand plaisir de la vie et presque le seul à mon gré. » 8.