Vous mourez plein d’éclat et de gloire ; vous vous croyez vainqueur, vous vous endormez heureux dans le triomphe ; comme Mithridate, vos derniers regards ont vu fuir les Romains. […] Je suppose qu’une ou deux de ces grandes séries aient paru, non pas arrangées, non pas triées et écourtées, mais telles quelles, par une de ces indiscrétions et de ces imprudences heureuses dont tout le monde profite ; que cette âme vive, émue, expansive, passionnée et généreuse, magnanime, pour tout dire, cette intelligence avide, empressée, ouverte de toutes parts, divinatrice et sympathique, touchant au génie, se soit montrée et comme versée devant tous dans une multitude de lettres familières, affectueuses, éloquentes, inachevées chacune, mais s’achevant l’une l’autre : les nouvelles générations auraient fait connaissance avec elle plus directement encore que par les livres ; elle ne serait pas restée une gloire aristocratique, la plus haute renommée de salon, mais s’y renfermant ; elle balancerait Chateaubriand non seulement de mérite et de nom, mais de fait ; elle serait lue et encore présente au milieu de nous ; on la discuterait. […] Je ne puis blâmer la vigilance et la surveillance jalouse d’une noble famille sur cette gloire domestique ; mais, au point de vue du public, et même à celui de l’illustre morte, je ne puis m’empêcher d’avoir un regret.