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511. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

En se sentant valeureux soldats auxiliaires dans les armées de la France, ils se sont sentis dignes patriotes, nobles citoyens, capables d’indépendance et de toutes les libertés qui constituent l’homme moderne sur leur propre terre ; la France leur a inoculé la gloire ; la France a conçu tout à coup la noble idée de ressusciter l’Italie, l’Italie a conçu la juste volonté de revivre. […] Mais la Toscane, ce merveilleux phénomène de la richesse, cette royauté de l’intelligence, cette monarchie du travail à l’époque où l’industrie européenne n’était pas née, devait décroître et tomber d’elle-même aussitôt que l’industrie de la laine, de la soie, de la banque, cesserait d’être le monopole, le brevet d’invention de Florence, et que les mêmes industries, mères du même commerce et sources des mêmes richesses, s’établiraient à Lyon, à Venise, à Londres, à Birmingham, à Calcutta, et que le travail européen et asiatique ne laisserait au peuple des Médicis, de Dante, de Michel-Ange, que cette primauté du génie des arts qui fait la gloire, mais qui ne fait pas la puissance militaire et politique des nations. […] Iront-ils perdre leur nom monumental et les noms de leurs grands citoyens nés de la gloire et de la liberté, poètes, historiens, artistes, hommes d’État, par lesquels l’Italie vit tout entière dans la bouche de l’étranger, les noms de Dante, de Machiavel, de Boccace, de Michel-Ange, des Capponi, des Pazzi, des Médicis, de Léopold le novateur couronné, le précurseur de Turgot et de 89 ? […] La Grèce antique fut-elle moins la Grèce, parce que les Grecs, unis dans le nom et dans la gloire hellénique, avaient dix patries distinctes dans la patrie commune ? […] Le coup de tête d’un cabinet sauvé par la France et égaré par l’Angleterre ne prévaudra pas contre le coup d’État des peuples revendiquant leurs noms, leurs personnalités, leurs capitales, leur gloire dans la famille italique.

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