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711. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Je ne doute pas que les malicieuses gens de moyen étage n’y mordent : eh ! […] Toutefois, sa pensée et sa recommandation, pour être appréciées comme il faut, ne doivent point se séparer des temps où il écrivait : qu’on se reporte, en effet, à ce lendemain des guerres civiles et des fanatismes sanglants, à ces horreurs récentes exercées des deux parts au nom de la religion et d’une fausse piété, et l’on concevra tout le sens et l’application de cet endroit ; il redoute la confusion si facile à faire quand un zèle excessif s’en mêle ; il craint à bon escient et par expérience que l’on ne traite comme malhonnêtes gens et criminels tous ceux qui ne pensent point en matière de foi comme nous-mêmes, et il cherche, en émancipant moralement la probité, à bien établir qu’il y a des vertus respectables qui peuvent subsister à côté et indépendamment de la croyance. […] Cela est d’autant plus remarquable que ce livre fut composé par l’auteur encore très jeune et au sortir des écoles ; après l’avoir laissé dormir quelques années, il se décida à le faire imprimer et à dire hautement son avis, qui était celui de beaucoup de gens, au risque seulement de déplaire à ceux (car il y en avait) « qui prenaient Charron pour Socrate et l’Apologie de Raimond Sebond pour l’Évangile. » — À cela près, disait-il, je ne laisse pas d’estimer Charron, et de croire qu’il doit être estimé savant, et encore plus judicieux ; que son livre De la sagesse est fort bon en gros, et qu’il y a fort peu de savants hommes en France qui n’aient profité de sa lecture.

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