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619. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Cela même ne suffirait pas : il faudrait encore que la reine reconnût la nécessité de s’occuper des affaires avec méthode et suite ; il faudrait qu’elle se fit la loi de ne plus accorder une demi-confiance à beaucoup de gens, et qu’elle donnât en revanche sa confiance entière à celui qu’elle aurait choisi pour la seconder. Et encore (10 octobre 1791) : « La reine, avec de l’esprit et un courage éprouvé, laisse cependant échapper toutes les occasions qui se présentent de s’emparer des rênes du gouvernement, et d’entourer le roi de gens fidèles, dévoués à la servir et à sauver l’État avec elle et par elle. » En effet, on ne revient pas d’une si longue et si habituelle légèreté en un jour ; ce n’eût pas été trop du génie d’une Catherine de Russie pour lutter contre les dangers si imprévus à celle qui n’avait jamais ouvert un livre d’histoire en sa vie, et qui avait rêvé une royauté de loisir et de village à Trianon : c’est assez que cette frivolité passée n’ait en rien entamé ni abaissé le cœur, et qu’il se soit trouvé dans l’épreuve aussi généreux, aussi fier, aussi royal et aussi pleinement doué qu’il pouvait l’être en sortant des mains de la nature. […] Dans une très belle lettre, adressée au comte de Mercy-Argenteau, où on lit ces mots, elle disait encore, après avoir exposé un plan désespéré (août 1791) : J’ai écouté, autant que je l’ai pu, des gens des deux côtés, et c’est de tous leurs avis que je me suis formé le mien ; je ne sais pas s’il sera suivi, vous connaissez la personne à laquelle j’ai affaire (le roi) : au moment où on la croit persuadée, un mot, un raisonnement la fait changer sans qu’elle s’en doute ; c’est aussi pour cela que mille choses ne sont point à entreprendre.

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