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15. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Les gens de lettres pensent de même sur la critique littéraire ; ils n’osent pas proposer de la proscrire entièrement, mais leur délicatesse sur cet article est si grande, que, si l’on y avait tout l’égard qu’ils désirent, on réduirait la critique à rien. […] Je ne sais pas si j’aurais la vertu de cet état, mais heureusement ce n’est pas le mien ; je suis chargé d’une police qui concerne les gens de lettres, les savants, les auteurs de toute espèce, c’est-à-dire des gens que j’aime et que j’estime, avec qui j’ai toujours désiré de passer ma vie, qui font honneur à leur siècle et à leur patrie. […] Cela posé, monsieur, voyez quelle est ma situation, je peux imposer des gênes aux gens de lettres, contraindre leur génie, me plaindre des fautes qu’ils commettent, et je n’ai aucune grâce à leur procurer ; je peux leur nuire, et je ne peux jamais leur être utile. […] « La preuve de l’effet qu’a fait cette brochure, ajoutait-il avec insistance, est dans la douleur des auteurs offensés, de la part de qui j’ai reçu dix fois plus de plaintes que je n’en ai reçu contre eux des gens de bien. » Les gens de bien, c’est-à-dire les gens du bord de la reine et du Dauphin ; et, en effet, ils s’intitulaient eux-mêmes de la sorte ; mais j’ai regret, ici, je l’avoue, de voir Malesherbes essayer de leur donner le change, en leur accordant ce nom qui n’avait pas tout à fait pour lui le même sens. […] — Je suis très accoutumé, disait-il encore en une autre occasion, aux boutades et aux espèces d’accès auxquels les gens de Lettres sont sujets ; je ne m’en offense jamais, parce que je sais que ce sont de petits défauts inséparables de leurs talents.

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