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1251. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Pour les gens d’une autre race, il est désagréable ; nos nerfs le trouvent trop âpre et trop amer. […] Bien des gens trouveront Carlyle outrecuidant, grossier ; ils soupçonneront, d’après ses théories et aussi d’après sa façon de parler, qu’il se considère comme un grand homme méconnu, de l’espèce des héros ; qu’à son avis le genre humain devrait se remettre entre ses mains, lui confier ses affaires. […] Là-dessus et par un entraînement naturel, il est devenu le héraut de la littérature allemande ; il s’est fait l’apôtre de Gœthe ; il l’a loué avec une ferveur de néophyte jusqu’à manquer à son endroit d’adresse et de clairvoyance ; il l’appelle héros, il présente sa vie comme un exemple à tous les gens de notre siècle ; il ne veut point voir son paganisme, si visible, mais si contrariant pour un puritain. […] Ces pauvres gens, boutiquiers et fermiers, croyaient de tout leur cœur à un Dieu sublime et terrible, et ce n’était pas une petite chose pour eux que la façon de l’adorer1460. « Supposez qu’il s’agisse pour vous d’un intérêt vital et infini, que votre âme tout entière, rendue muette par l’excès de son émotion, ne puisse en aucune façon l’exprimer, en sorte qu’elle préfère le silence à toute expression possible, que diriez-vous d’un homme qui s’avancerait pour l’exprimer à votre place au moyen d’une mascarade et à la façon d’un tapissier décorateur ? […] C’est qu’ils n’étaient point des fous, mais des hommes d’affaires ; toute la différence entre eux et les gens pratiques que nous connaissons, c’est qu’ils avaient une conscience : cette conscience était leur flamme : le mysticisme et les rêves n’en étaient que la fumée.

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