Il y a dans ces liens une inégalité naturelle qui ne permet jamais une affection de même genre, ni au même degré ; l’une des deux est plus forte, et par cela même trouve des torts à l’autre, soit que les enfants chérissent leurs parents plus qu’ils n’en sont aimés, soit que les parents éprouvent pour leurs enfants plus de sentiments qu’ils ne leur en inspirent. […] Il est heureux, dans la route de la vie, d’avoir inventé des circonstances qui, sans le secours même du sentiment, confondent deux égoïsmes au lieu de les opposer ; il est heureux d’avoir commencé l’association d’assez bonne heure pour que les souvenirs de la jeunesse aidassent à supporter, l’un avec l’autre, la mort qui commence à la moitié de la vie ; mais indépendamment de ce qu’il est si aisé de concevoir sur la difficulté de se convenir, la multiplicité des rapports de tout genre qui dérivent des intérêts communs, offre mille occasions de se blesser, qui ne naissent pas du sentiment, mais finissent par l’altérer.