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1543. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Oubliez, en effet, la différence des genres et la supériorité de la grandeur tragique sur la verve comique ; et, cette différence des deux genres admise, comparez les deux écrivains au point de vue de la perfection de leur ouvrage. […] vous n’êtes pas pour être de mes gens ; Je refuse d’un cœur la vaste complaisance Qui ne fait de mérite aucune différence ; Je veux qu’on me distingue ; et, pour le trancher net, L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait. […] Mes yeux sont trop blessés, et la cour et la ville Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile ; J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond, Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font ; Je ne trouve partout que lâche flatterie, Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ; Je n’y puis plus tenir, j’enrage ; et mon dessein Est de rompre en visière à tout le genre humain. […] Je m’étonne, pour moi, qu’étant, comme il le semble, Vous et le genre humain, si fort brouillés ensemble, Malgré tout ce qui peut vous le rendre odieux, Vous avez pris chez lui ce qui charme vos yeux ; Et ce qui me surprend encore davantage, C’est cet étrange choix où votre cœur s’engage. […] Cela n’est point exagéré, c’est ainsi qu’est fait ce que les Anglais appellent l’infatuation, mot assez peu usité parmi nous, mais nécessaire pour exprimer un travers très-commun. — Le mot engouement exprime aussi très-bien cette passion des esprits faibles ; car, il faut le remarquer, l’infatuation ou l’engouement est une maladie de l’esprit ; le cœur n’y a aucune part: ainsi l’infatuation du comte de Galiano pour son singe, d’un roi pour son favori, et d’Orgon pour Tartuffe, sont des passions du même genre.

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