Comme on croyait encore le monde près de finir, on se souciait peu de composer des livres pour l’avenir ; il s’agissait seulement de garder en son cœur l’image vive de celui qu’on espérait bientôt revoir dans les nues. […] Si Jésus avait jamais parlé dans ce style, qui n’a rien d’hébreu, rien de juif, rien de talmudique, si j’ose m’exprimer ainsi, comment un seul de ses auditeurs en aurait-il si bien gardé le secret ? […] Les vraies paroles de Jésus se décèlent pour ainsi dire d’elles-mêmes ; dès qu’on les touche dans ce chaos de traditions d’authenticité inégale, on les sent vibrer ; elles se traduisent comme spontanément, et viennent d’elles-mêmes se placer dans le récit, où elles gardent un relief sans pareil. […] Les deux premiers sont surtout importants en ce qu’ils étaient rédigés en araméen comme les Logia de Matthieu, qu’ils paraissent avoir constitué une variété de l’évangile de cet apôtre, et qu’ils furent l’évangile des Ébionim, c’est-à-dire de ces petites chrétientés de Batanée qui gardèrent l’usage du syro-chaldaïque, et qui paraissent à quelques égards avoir continué la ligne de Jésus.