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589. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Je ne sais si Frédéric ne se fût pas dédit, au cas qu’un malin génie l’eût pris au mot et qu’il lui eût fallu opter tout de bon entre la guerre de Sept Ans et Athalie, ou plutôt je suis bien sûr que le roi, en définitive, l’eût emporté : mais le cœur du poète aurait saigné au-dedans de lui, et il nous suffit, pour le qualifier comme nous faisons, qu’il eût pu hésiter un seul instant. […] En tout, même dans ces jeux de l’esprit, Frédéric finit toujours par donner le dernier mot à l’action, à l’utilité sociale et à celle de la patrie : c’est un génie qui s’amuse en attendant mieux, qui continuera de s’amuser et de s’égayer dans les intervalles des plus rudes travaux, mais qui aspirera en tout temps, à force de fermeté, à se réaliser en grandeur pratique et utile. […] Il jouissait de ce génie vif, familier, enjoué. […] J’estime en vous le plus beau génie que les siècles aient porté ; j’admire vos vers, j’aime votre prose, surtout ces petites pièces détachées de vos Mélanges de littérature. […] Avec Frédéric il n’y a point d’étiquette, et tout se passe comme avec un particulier, homme de génie.

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