Platon, ce génie si amoureux des hautes sciences, dit formellement, dans un de ses plus beaux ouvrages, que les hautes études ne sont pas utiles à tous, mais seulement à un petit nombre ; et il ajoute cette réflexion, confirmée par l’expérience, « qu’une ignorance absolue n’est ni le mal le plus grand, ni le plus à craindre, et qu’un amas de connaissances mal digérées est bien pis encore149. » Ainsi, si la religion avait besoin d’être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d’autorités chez les anciens, ni même chez les modernes. […] car, pour un seul génie capable d’arriver à cette plénitude de savoir demandée par Bacon, et où, selon Pascal, on se rencontre dans une autre ignorance, que d’esprits médiocres n’y parviendront jamais, et resteront dans ces nuages de la science qui cachent la Divinité ! […] Qu’on ait des charrues plus légères, des machines plus parfaites pour les métiers, c’est un avantage ; mais croire que le génie et la sagesse humaine se renferment dans un cercle d’inventions mécaniques, c’est prodigieusement errer. […] Hors quelques géomètres inventeurs, elle les a condamnés à une triste obscurité ; et ces génies inventeurs eux-mêmes sont menacés de l’oubli, si l’historien ne se charge de les annoncer au monde. […] Pour un seul génie qui marche par les voies sublimes de la science, combien d’autres se perdent dans ses inextricables sentiers !