Selon nous, métaphysiquement parlant, cette liberté bien définie, c’est la révolte naturelle de l’égoïsme individuel contre la volonté générale de la société ou de la nation. Or, si cette révolte de la nature irréfléchie, de l’égoïsme individuel dont ces philosophes font un prétendu droit dans ce qu’ils appellent les droits de l’homme, existait, la société cesserait à l’instant d’exister, car la société ne se maintient que par la toute-puissance et la toute légitimité de la volonté générale sur la volonté égoïste de l’individu. […] Mais encore ce qu’on appelle liberté n’est que tolérance de la société générale, et le commandement social peut l’enchaîner ou la restreindre selon les nécessités, les lieux, les temps, les circonstances, si les nécessités, les lieux, les temps, les circonstances exigent que tout soit commandement et obéissance, et obéissance partout et en tout dans la société absolue. […] Cette chose, qui n’est nullement la liberté, mais qui est dignité morale dans le jeu du commandement et de l’obéissance dont se compose tout gouvernement, c’est la participation plus ou moins grande que chaque individu, esclave, sujet ou citoyen, apporte à la formation du gouvernement et des lois ; c’est le concours plus ou moins complet, plus ou moins direct de beaucoup ou de toutes les volontés individuelles dans la volonté générale, à laquelle on donne le droit du commandement et le devoir d’obéissance. […] Les théories spiritualistes de la société, qui sont les nôtres, aboutissent au commandement et à l’obéissance, qui sont, dans ceux qui commandent comme dans ceux qui obéissent, des devoirs, c’est-à-dire des libertés individuelles volontairement sacrifiées à la souveraineté générale dans ceux qui obéissent, et des autorités morales légitimement exercées dans ceux qui commandent.