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1868. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Si le sentiment de la garde qui meurt et ne se rend pas est héroïque à Waterloo, il ne l’est pas moins en face de la vieillesse, qui n’a pas, elle, la poésie des baïonnettes pour nous frapper. » II Ce passage explique, et, jusqu’à un certain point, il justifie les bizarreries de mise que les ennemis de Barbey se sont complu à relever. […] Pourtant, à le fréquenter dans l’intimité, on était frappé d’un contraste. […] L’invincible passion qui court comme une flamme sur toutes les pages tombées de sa main s’alluma dès lors pour ne plus s’éteindre. « Je me rappelle », dit-il, « que dans ce malheur accompli, privations du présent, craintes de l’avenir, l’ennemi étant à deux pas (1814) et mes ennemis, à moi, se moquant de moi tous les jours, un jeudi matin, je me ramassai sur moi-même ; sans feu, la neige couvrant tout, ne sachant pas trop si le pain viendrait le soir, tout semblant finir pour moi, — j’eus en moi, sans nul mélange d’espérance religieuse, un pur sentiment stoïcien. — Je frappai de ma main crevée par le froid sur ma table de chêne, et je sentis une joie virile de jeunesse et d’avenir… » C’est dans la lecture de ses auteurs favoris qu’il avait puisé cette force, devinant ainsi l’art, qui fut le sien à un haut degré, d’arracher à la littérature et aux arts leur essence de vie morale, d’interpréter en beaux rêves une belle toile, un monument. — Vous souvenez-vous de sa page sur le portrait de Watteau peint par lui-même ? […] Il sait et il pratique la règle formulée plus tard avec ingéniosité par Banville, l’importance dans les vers français de ce mot final, celui qui frappe l’oreille davantage.

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