Lorsque l’Académie française existait, cette société recueillait toutes les années les mots que l’usage ou les bons écrivains avaient introduits, et déclarait quels étaient ceux que l’usage avait proscrits. La langue française, comme toutes les langues, acquérait donc alors de nouveaux mots qui remplaçaient ceux qu’elle perdait, ou l’enrichissaient encore. C’est ce qu’Horace recommande dans son Art poétique, lorsqu’il dit : « Il est permis, et il le sera toujours, de donner cours à des mots nouveaux dans la langue ; et comme lorsque les bois changent de feuilles, les premières tombent pour faire place aux suivantes, de même les mots anciens s’usent par le temps, tandis que les nouveaux ont toute la fraîcheur et toute la force de la jeunesse. » Ce serait nuire au style français que d’établir qu’il n’est pas permis de se servir à présent d’un mot qui ne se trouve pas dans le Dictionnaire de l’Académie. […] Peut-être serait-il nécessaire que l’Institut, cette société la plus imposante de l’Europe, par la réunion de tous les hommes éclairés dont la république s’honore, chargeât la classe des belles-lettres de constater et de fixer les progrès de la langue française. […] L’harmonie est une des premières qualités du style ; et c’est gâter la langue française que d’y introduire des sons qui blessent l’oreille.