Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. […] Colbert, qui jugeait si mal Homère et Pindare, entendait le moderne à merveille ; il avait le sentiment de son temps et de ce qui pouvait l’intéresser ; il trouva là une veine bien française, qui n’est pas épuisée après deux siècles ; on lui dut un genre de spectacle de plus, un des mieux faits pour une nation comme la nôtre, et l’on a pu dire sans raillerie que, si les Grecs avaient les Jeux olympiques et si les Espagnols ont les combats de taureaux, la société française a les réceptions académiques. […] Ç’a été tout naturellement le cas aujourd’hui dans cette séance, l’une des plus remplies et des plus neuves qu’ait jusqu’ici offertes l’Académie française à la curiosité d’un public choisi ; M. le comte Molé devait recevoir M. le comte Alfred de Vigny, lequel venait remplacer M. […] Doctrinaires et romantiques y ont travaillé à l’envi ; ils y ont réussi, on n’en saurait douter, mais non pas sans quelque fatigue évidemment, ni sans quelques accrocs à ce qu’on appelait l’esprit français. […] Non, l’excès même du despotisme impérial n’amena point cette fuite panique des familles françaises dont avait parlé le poëte à propos de l’Intrigante ; non, les familles nobles ne redoutaient point tant alors le contact avec le régime impérial, et trop souvent on les vit solliciter et ambitionner de servir celui qu’elles haïssaient déjà.