Les étés, les hivers étaient ainsi employés par d’Antin à la poursuite laborieuse de sa fortune : dans le parfait idéal où il se la peignait toujours, il ne croyait pas encore l’avoir atteinte. […] Au xixe siècle, dans ce monde positif et où, de plus en plus, la pensée spiritualiste est comme naturellement absente, je doute que, parmi ces victimes de la fortune, ces déchus du pouvoir, comme nous en voyons si souvent, il en soit beaucoup, il en soit un seul qui ait de telles idées de retraite intime et de recours à la pensée de l’éternité. […] Il s’afflige bien moins encore de l’arrêt de sa fortune que de cette sorte d’ingratitude qu’il croit rencontrer au cœur du maître ; et c’est ici que nous trouvons chez d’Antin ce qui le caractérise dans l’espèce et ce que j’ai déjà appelé le platonisme du courtisan. Il en voulait au cœur du roi avant tout, il filait à la Cour le parfait amour, et c’est l’endroit aussi par où il est le plus blessé : Un homme sage, dit-il, peut se passer de la fortune, surtout quand il a fait abondamment ce qu’il faut pour la mériter. […] La nature comme la fortune l’avait destiné à servir et à demeurer bon gré mal gré dans les cours.