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432. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ils ne s’y donnèrent d’autre gouvernement que leurs mœurs, une espèce de république d’abeilles humaines, où le travail et la fortune firent les rangs, où l’autorité et le peuple démocratique luttaient quelquefois, s’entendaient le plus souvent, dans des élections turbulentes et où la popularité flottante créait et renversait tour à tour les grands citoyens et leurs partis. […] Quand les premières atteintes de l’âge lui annoncèrent sa fin prochaine, il ne résista pas, il se résigna avec sérénité aux lois de la nature, il repassa avec sa famille et ses amis l’état de son immense fortune, noblement acquise, généreusement occupée pour la gloire des arts et des lettres ; il indiqua à ses héritiers l’usage qu’il convenait d’en faire après lui pour l’accroître et la conserver par sa destination au bien public. […] En effet, mon cher Laurent, quoique vous ayez donné des preuves d’un mérite et d’une vertu qui semblent à peine appartenir à la nature humaine ; quoiqu’il n’y ait point d’entreprise, si importante qu’elle soit, dont on ne puisse espérer de voir triompher cette prudence et ce courage que vous avez développés dès vos plus jeunes années ; et quoique les mouvements de l’ambition, et l’abondance de ces dons de la fortune qui ont si souvent corrompu des hommes dont les talents, l’expérience et les vertus donnaient les plus hautes espérances, n’aient jamais pu vous faire sortir des bornes de la justice et de la modération, vous pouvez néanmoins, pour vous-même et pour cet État dont les rênes vont bientôt vous être confiées, ou plutôt dont la prospérité repose déjà en grande partie sur vos soins, tirer de grands avantages de vos méditations solitaires ou des entretiens de vos amis sur l’origine et la nature de l’esprit humain : car il n’y a point d’homme qui soit en état de conduire avec succès les affaires publiques, s’il n’a commencé par se faire des habitudes vertueuses, et par enrichir son esprit des connaissances propres à lui faire distinguer avec certitude pour quel but il a été appelé à la vie, ce qu’il doit aux autres et ce qu’il se doit à lui-même. » Alors commença entre Laurent et Alberti une conversation dans laquelle ce dernier s’attache à montrer que, comme la raison est le caractère distinctif de l’homme, l’unique moyen pour lui d’atteindre à la perfection de sa nature, c’est de cultiver son esprit, en faisant entièrement abstraction des intérêts et des affaires purement mondaines.

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