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318. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Cette vie errante, qui ressembloit assez à celle des anciens Poëtes Grecs, n’avoit rien de deshonorant ; mais elle prouve que de tout temps, les favoris des Muses n’ont jamais été ceux de la fortune. […] En effet, à quoi peuvent servir la science & le mérite, quand la fortune & la protection disposent de tout, conduisent à tout ? […] Des hommes nouveaux, éblouis de leur fortune, & n’ayant d’existence que par leurs richesses, crurent qu’elles étoient le seul & le souverain bien : ils le dirent, & agirent en conséquence ; & leur exemple persuada la multitude. […] Tandis que l’homme de mérite, souvent abandonné de la fortune, souffre, gémit ; veille, travaille, & n’entend autour de lui que les sifflemens de l’envie irritée, & quelquefois les hurlemens affreux de la calomnie ! […] Les richesses balancèrent l’avantage des dignités & des rangs ; les plus élevés s’abaissèrent devant l’idole de la fortune, & ne desirèrent plus que ses faveurs.

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