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906. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Malouet lui écrivait en 1791 : « Nous qui raisonnons juste, nous ne rencontrons presque jamais avec précision aucun événement, parce que les actions des hommes ont fort peu de ressemblance aux bons raisonnements. » Cela est vrai pour tous les peuples et pour tous les hommes ; mais cela est encore plus vrai en France, car la nature française résume en elle avec plus de rapidité et de contraste les défauts et peut-être aussi les qualités de l’espèce. […] M. de Hardenberg, ministre de Prusse, ayant persisté à le consulter, tandis qu’il participait dans le même temps aux négociations de la paix de Bâle à laquelle Mallet était directement opposé, ce dernier le prit fort mal ; il interrompit un travail devenu dérisoire dans cette nouvelle conjoncture : « Dans cet état de choses, écrivait-il à M. de Hardenberg, toute lettre de ma part devenait un acte d’importunité, une indécence et un contresens. » Ayant été mêlé en 1794 dans un projet de conciliation qu’offraient aux princes émigrés les constitutionnels de la nuance de MM. de Lameth, et ne s’y étant prêté qu’avec une extrême réserve, Mallet du Pan apprit qu’on en jasait pourtant dans l’armée de Condé, et il reçut de l’envoyé anglais en Suisse, M.  […] Ces messieurs peuvent être aujourd’hui fort tranquilles sur la qualité de la monarchie qui s’établira en France, car ils n’auront point de monarchie du tout. […] Tout cela est fort spirituel en même temps qu’habile, et rentre bien dans la ligne habituelle de Mallet du Pan. […] Il partit donc, et débarqua en Angleterre le 1er mai 1798 ; il s’y sentit à l’instant sur une terre forte et où régnait un esprit public puissant.

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