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905. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

« Ces deux, ajoute Commynes, n’avoient garde de se mordre l’un l’autre. » On couche sur le champ de bataille, qui reste à Charles ; Commynes nous fait voir ce champ de bataille, tel qu’il était en réalité, tel qu’ils le sont tous14, et le souper de Charles, assis sur une botte de paille, au milieu des morts et des mourants, dont l’un se réveille fort à propos pour demander un peu de tisane. […] Il a raison de remarquer quelque part que presque tous ceux qui ont fait de grandes choses ont commencé fort jeunes ; mais ce qui est bien rare, c’est de conseiller si sagement et de voir si juste, de tenir la balance si exacte, dès cette première moitié de la vie. […] Il pense que le délai même que ce consentement entraîne en cas de guerre, est bon et profitable ; que les rois et princes, quand ils n’entreprennent rien que du conseil de leurs sujets, en sont plus forts et plus craints de leurs ennemis. […] Commynes loue fort son maître de l’unité qu’il voulait établir dans son royaume, de l’unité dans les poids et mesures, de l’unité dans les coutumes et de l’espèce de Code civil qu’il projetait ; ajoutez-y encore le projet d’abolir les péages à l’intérieur, et d’établir pour le commerce la libre circulation, en rejetant les douanes à la frontière. […] Ces idées de Commynes purent ne lui venir à lui-même qu’après la mort de son maître, quand il eut connu à son tour l’adversité, l’oppression, et qu’il eut pu vérifier par expérience sa maxime : « Les plus grands maux viennent volontiers des plus forts ; car les faibles ne cherchent que patience. » Mais, quelle que soit leur date dans la vie de Commynes, les idées qu’on vient de voir donnent la mesure de l’étendue de son horizon.

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