L’auteur se forme sensiblement à mesure qu’il les écrit : la fin du tome premier, à partir de Philippe le Bel et surtout de Charles V et Charles VI, devient fort nourrie et fort pleine ; le second volume, qui commence à Charles VII et qui finit avec Charles IX, est constamment soutenu ; le troisième, qui comprend le seul règne de Henri III et celui de Henri IV jusqu’à la paix de Vervins, est excellent. […] À ce sujet, il parle de ses devanciers, et, sans les trop écraser, il les relègue assez légèrement dans le passé ; il s’empresse pourtant de proclamer que, quoi qu’on puisse tenter de nouveau et quel que soit le nombre et l’émulation des historiens présents et futurs, il y a fort à faire pour atteindre la grandeur et l’immensité d’un tel sujet : Mais qu’il en naisse tous les ans de nouveaux, dit-il ; ils ne mettront jamais ce sujet en sa perfection. […] » C’est le même sentiment qui, au début du règne misérable et antipatriotique de Charles VI, lui fera dire : « Comme j’étais près d’entrer dans ce long et pénible règne, deux choses ont pensé m’en détourner : l’horreur que j’ai de repasser sur tant de massacres, de ruines et de désolations, et la peine incroyable qu’il y a à démêler tant d’affaires si embrouillées, etc. » Ces parties ingénues et naturelles plaisent chez Mézeray, en attendant qu’on en vienne avec lui aux parties étudiées et fortes. […] Je me trompe pourtant d’appeler cela un règne, ce fut une anarchie continuelle : d’autant qu’il vint à la couronne à treize ans ; il fut sous des régents plusieurs années, et puis, étant venu en âge, tomba sous la captivité de ses favoris, et à vingt-six ans en cette longue maladie qui mit presque cette monarchie au tombeau… Si bien que toute sa vie n’a été qu’une folie ou de cerveau ou de jeunesse, et, ni sain ni malade, il n’a jamais eu une once de bon conseil et de forte résolution, mais a toujours été hors de lui-même, ayant été en tout temps possédé par ceux qui l’obsédaient, et ferme seulement en un point, qui était de se changer à l’appétit de tous ceux qui se saisissaient de lui. Aussi faible d’esprit qu’il était robuste de corps, sa force étant telle que d’un coup de massue il abattait le cheval et le cavalier, et rompait la plus forte lance sur son genou… Du reste, il n’avait point de vices d’homme privé, mais était vaste et sans mesure en toutes choses… Je ne fais que toucher les principaux traits, j’en supprime d’énergiques et de familiers, mais qui font bien en leur lieu.