Il semble que, Dieu ayant donné la raison aux hommes, cette raison doive les avertir de ne pas s’avilir à imiter les animaux, surtout quand la nature ne leur a donné ni armes pour tuer leurs semblables ni instinct qui les porte à sucer leur sang. » Ces mêmes obstinés, trouvant étrange qu’on offrît pour modèles à l’humanité les loups et les ours, ont dit encore : Quand même l’histoire prouverait que de grands empires d’autrefois se sont formés par ce vol à main armée qu’on appelle la conquête, quand même de grands empires d’aujourd’hui ne seraient qu’une agglomération de provinces ou de colonies soudées de force ensemble, s’ensuit-il que le passé puisse servir de règle à l’avenir et qu’il soit permis de confondre ce qui a été ou ce qui est avec ce qui doit être ? […] Parmi les littérateurs deux camps se formèrent. […] Je ne veux pas la détailler ; il me suffira de dire qu’en fixant pour combien de temps une œuvre appartient à l’auteur et à ses héritiers, au bout de quelle durée elle tombe dans le domaine collectif, elles ont permis aux écrivains de prendre dans le monde la situation confortable et nouvelle pour eux de propriétaires ; qu’elles leur ont fourni l’occasion et les moyens de s’organiser en corporation, de former des associations nationales et internationales ; bref qu’elles ont contribué puissamment à régulariser le métier littéraire avec ce que ce mot implique de bon et de mauvais : d’une part, l’indépendance de l’homme qui vit de son travail et ne relève que du public ; d’autre part, la littérature industrielle fabriquant à la vapeur des romans ou des pièces comme on fabrique des robes de soie ou des bas de laine.