Il y en avait de deux sortes : les philosophes et érudits formaient un premier groupe, discret, peu bruyant, ennemi du scandale, faisant extérieurement profession de respecter la religion ; les uns se rattachaient à l’épicurisme relevé par Gassendi ; les autres suivaient, avec Le Vayer, la doctrine sceptique. […] Quand le jansénisme commença de se répandre dans le monde, on se tourna vers Port-Royal comme vers le sanctuaire, le centre religieux de la nouvelle Église : les bâtiments de Port-Royal des Champs furent relevés334 et servirent d’asile aux solitaires, aux hommes saints que la grâce avait touchés, et qui, sans se lier par aucuns vœux, sans quitter leur nom, sans former une communauté régulière, venaient vivre là, dans la retraite, une vie d’étude et de piété. […] Ils mettaient la piété au-dessus de tout, mais ils s’efforçaient de former la volonté et le jugement, afin qu’on pût faire en ce monde tous les devoirs d’un état honnête. […] En un mot, ils n’ont pas fait Racine, mais ils l’ont formé : c’est là qu’il a pris son goût, son sens exquis de l’hellénisme, c’est à eux d’abord qu’il doit de n’avoir pas sombré dans le bel esprit précieux. […] Pascal donne à Port-Royal un esprit tout laïque, formé aux méthodes et imbu des notions de la science et de la philosophie, assez ignorant de la théologie : de son Entretien avec M. de Saci, il résultera qu’au moment d’entreprendre ses rudes campagnes contre l’erreur et l’incrédulité, ce défenseur de la foi connaît à fond les philosophes, et n’a pas lu les Pères de l’Église : il n’en aura jamais qu’une connaissance superficielle.