LXIV Chateaubriand crut, comme un enfant, que le poëme épique pouvait renaître et conquérir un renom impérissable à son auteur, pourvu qu’il eût un grand talent ; il oublia du même coup le fond qui était la foi, et la forme qui était le vers, forme idéale et parfaite du langage humain. […] « Plus on a aimé les poëtes sous cette forme idéale qu’ils nous ont donnée d’eux-mêmes, plus on regrette qu’ils ne l’aient pas réalisée en tout dans leur vie, et qu’ils se soient tant mêlés ensuite à la poussière et aux bruits de la terre. […] LXX Quant à la faculté d’écrire les vers, Chateaubriand ne l’avait pas reçue plus que Voltaire ; la poésie, dans sa vraie forme sérieuse (le vers), excepté la poésie badine, ne leur était pas naturelle. […] Je ne le sais pas ; mais, de même que certains éléments matériels possèdent, à formes égales, plus de vie et de durée que d’autres, et sont mieux faits par le Créateur pour résister au temps ; de même, entre le vers et la prose, il y a la même différence qu’entre le marbre statuaire ou le bronze et la terre dont l’artiste construit sa statue. La forme est la même, mais la durée ou l’immortalité sont différentes.