Il y joignait un tour d’imagination prompte qui revêtait aisément la pensée et la maxime d’une forme poétique, comme faisait son compatriote Montaigne ; mars il était moins aisé que Montaigne, et n’avait pas la fleur comme lui. […] Un trait d’Homère, un vers de Virgile, fondus rapidement dans sa pensée, lui paraissaient la mieux achever et la consacrer sous forme divine. […] Les premiers écrits qu’on a de lui sont des discours qu’il composa pour l’Académie de Bordeaux, dont il fut membre dès 1716 : le talent s’y montre ; on y surprend même à son origine la forme qu’affectionnera Montesquieu, l’image ou l’allusion antique appliquée à des objets et à des idées modernes. […] Quand on veut apprécier la nature et la forme d’esprit de Montesquieu, il faut se souvenir de ce qu’il écrivait lui-même, vers la fin de sa vie, à d’Alembert qui lui demandait pour l’Encyclopédie certains articles qu’il avait déjà traités dans L’Esprit des lois : « J’ai, disait-il, tiré, sur ces articles, de mon cerveau tout ce qui y était. […] Laissons les regrets, et acceptons avec respect cette forme unique et souveraine de considérations qui est proprement la sienne, cette forme née d’un esprit si haut et si ferme, et portant l’empreinte d’un moule qui, avec les beaux accidents qui le caractérisent, ne s’est rencontré qu’une fois