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1892. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il le sait mieux que moi, sans doute, mais, moi, je parierais avec assurance que c’est un événement extérieur d’une forte action sur sa pensée qui a poussé dès l’origine son esprit vers la forme de roman qu’il a adoptée, et faussé ainsi sa vraie vocation. […] Mais Dieu, qui a, quand il le veut, tous les moyens de nous atteindre, Dieu, qui donne à sa Grâce divine toutes les formes humaines qu’il lui plaît, donna pour Féval à sa Grâce le visage d’un ami et d’un homme fait par l’esprit pour tout renverser comme la foudre, et qui se contenta de lui planter et de lui enfoncer doucement dans le cœur, pendant des années dont je ne sais pas le nombre, les racines de cette conversion que voilà maintenant fleurie et épanouie sur sa tombe ! […] Dans la forme du roman, et sous le masque de verre de ce nom de « Jean », qui ne trompe personne, c’est Raymond Brucker qui raconte en son propre nom ; et il y est d’une vérité frappante d’accent et de physionomie, animés l’un et l’autre par des détails charmants, et qui, évidemment, ne peuvent appartenir qu’à cette nature de Raymond Brucker, presque ininventable d’originalité. […] Un journal catholique, qu’il n’est pas besoin de nommer pour que tout le monde le reconnaisse, saluant, justement à propos de ces Merveilles du Mont Saint-Michel, la bienvenue du grand romancier dans l’histoire, par la plume sans autorité d’un de ces rédacteurs impersonnels qui ne sont pas plus que des soldats dans le rang et qui n’en sortent jamais, faisait, sous des formes impertinemment protectrices, une petite leçon rogue au nouveau converti, tout en le félicitant d’un livre qui — celui-là !  […] (historique aussi sous sa forme militante et enflammée) aurait pu d’ailleurs faire pressentir ; mais il n’y a vraiment que ceux qui liront ces Merveilles du Mont Saint-Michel, lesquelles forment une merveille de livre, qui la trouveront justifiée.

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