— « Citoyen… » — « Mais asseyez-vous donc, messieurs », reprend Carrel en montrant de la main des sièges, et il force, par ce simple accueil, ses interlocuteurs à changer de ton et à se rapprocher du sien. […] Il n’a ni éclat ni entraînement ; on y voudrait de la lumière et du relief ; le récit de l’historien n’est pas même clair toujours, à force d’être dense et continu ; c’est à la fois calcul et prudence chez lui jusque dans la hardiesse, et ce sera aussi un procédé habituel involontaire. Napoléon, quand il livrait une bataille, portait ses forces sur un point principal : « Le nœud de la bataille est là », disait-il. […] Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire. […] Il a cherché un reste de force et d’attention pour ne se pas manquer, et sa main a été sûre… Certes, si jamais une lecture peut dégoûter du suicide une âme mâle et ferme, c’est la lecture de cet article de Carrel.