Ce rythme du plaisir et de la peine, ce passage incessant du malaise au bien-être et du bien-être au malaise fait le fond de la vie mentale ; il est en parallélisme avec le perpétuel mouvement d’organisation et de désorganisation essentiel à la vie. […] Darwin semble l’admettre ; car son principe est « le combat universel pour la préservation de la vie. » Spinoza avait dit de même que c’est l’effort de l’être pour se conserver qui est le fond du désir, la source du mouvement universel. […] Si l’unique ressort de toute activité, de toute vie, de toute volonté, est la conservation de soi, il en résulte que l’égoïsme radical est l’essence même du vouloir, que tout plaisir est au fond égoïste : l’égoïsme ne peut manquer d’être transformé à la fin en unique loi de la morale. […] Dans cette intéressante tentative d’explication, on reconnaît la doctrine qui fait le fond de la morale pessimiste et de la morale égoïste, du système de la « désespérance » et du système de « l’apathie ». […] Demandons-nous si tous les plaisirs, même ceux qui paraissent nés d’un besoin, même ceux qui semblent les plus grossiers, ne sont pas encore de même nature pour celui qui regarde au fond des choses.